Leonid Ilitch Brejnev le meilleur secrétaire du PCUS?
{Politique internationale}.
Lorsque Brejnev arrive au pouvoir, la puissance soviétique semble moins solide dans l'arène internationale qu'à la fin de l'époque stalinienne, tant au sein du bloc communiste que dans la confrontation continue avec les États-Unis. La crise de Cuba avait marqué les limites de la surenchère nucléaire, et les succès initiaux de la Course à l'espace ont été éclipsés par l'incapacité soviétique à envoyer un cosmonaute sur la Lune. Aux États-Unis, la présidence Kennedy, malgré la signature du traité de Moscou en août 1963, est marquée par une relance massive de la course aux armements nucléaires et conventionnels, qui donnèrent à la puissance américaine une supériorité militaire écrasante sur la puissance soviétique. Brejnev se fit fort de la combler, d'imposer la parité nucléaire et de créer une marine[11].
Brejnev est sans doute l'un des hommes les plus décorés de l'Histoire[38]. Il affichait une quarantaine de décorations à son uniforme. Ce nombre dépasse les 120 en y incluant les décorations étrangères[38]. À sa mort, un inventaire des officiels de l'URSS comptabilise 114 distinctions, ce qui fut a posteriori interprété comme un signe de culte de la personnalité[39]. Son dernier portrait officiel massivement diffusé en tenue de maréchal affiche plusieurs de ses distinctions[40],[41],[42]. Il exigea d'avoir plusieurs copies des médailles de l'ordre de Lénine pour les changements de costumes. Les décorations sont auto-attribuées et le népotisme est assez visible[43]. Son culte des récompenses qu'il affiche souvent en public contraste avec ses successeurs, plus discrets alors[39]. Suivant la tradition, plusieurs toponymies, noms d'usines et noms de villes, dont Naberejnye Tchelny furent nommées d'après Brejnev, mais furent rebaptisés quelques années après sa mort[39].
En 1978, il se fit remettre l'ordre de la Victoire[38]. Cette décoration soviétique, créée en 1943 et qui ne fut plus attribuée après 1945, récompensait les chefs ayant dirigé de grandes opérations militaires lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais Brejnev pendant le conflit n'était que commissaire politique avec le grade de colonel, et ne dirigea aucune grande opération militaire. Sur la pression des vétérans de guerre, et après enquête historique sur les faits concernés, Mikhaïl Gorbatchev annula cette décoration en 1989.
En août 1946, il quitte l'Armée rouge avec le rang de major-général. Il vient de passer la totalité de la guerre comme commissaire politique et non comme militaire.
Cette ascension fulgurante jusqu'aux sommets du Parti n'aurait pas été possible sans le soutien permanent de Nikita Khrouchtchev, qui domine depuis les années 1930 l'organisation bureaucratique et politique de. À la mort de Staline, en mars 1953, alors que la succession est encore incertaine, la taille du Politburo est réduite, Brejnev n'en fait pas partie. À titre de compensation, il est nommé chef du directoire politique de l'armée et de la marine, au grade de lieutenant général, une place très importante. Cette promotion est probablement due au nouveau pouvoir de son mentor Khrouchtchev, qui succède à Staline comme Premier Secrétaire du Parti et, comme son prédécesseur, en fait progressivement le principal centre du pouvoir.
En février 1956, Brejnev est rappelé à Moscou pour contrôler l'industrie militaire, le programme spatial soviétique, l'industrie lourde et les grands travaux d'infrastructure. Il est désormais un personnage clé et en juin 1957, il soutient Khrouchtchev dans sa lutte contre la vieille garde stalinienne menée par Viatcheslav Molotov, Gueorgui Malenkov et Lazare Kaganovitch pour la direction du Parti. La défaite de ces derniers lui ouvre les portes du Politburo.
En 1959, Brejnev devient Secrétaire du Comité central et le 5 mai 1960 obtient le titre de Président du Præsidium du Soviet suprême, c’est-à-dire de chef de l'État. Ce poste ne conférait pas de réels pouvoirs, mais permettait d'aller à l’étranger, ce qui éveilla chez Brejnev un goût indéfectible pour les objets de luxe occidentaux. Il est alors âgé de 53 ans.
Les articles 2 et 51 de la Charte des Nations unies affirment que le système international est composé d'États souverains qui ne peuvent utiliser la force dans leurs relations internationales que conformément à une décision du Conseil de sécurité des Nations unies ou dans le cadre de l'exercice de ce que la Charte appelle le « droit naturel de légitime défense individuelle ou collective »[1]. La doctrine soviétique traditionnelle rejette le rôle premier des États et se concentre sur les systèmes sociaux et économiques en tant que source du comportement international. Dans la théorie marxiste-léniniste, l'État disparaîtra lorsque le communisme sera établi[2].
Aussi, la défense des gains du socialisme passe-t-elle avant le respect de l'indépendance des États aux yeux des dirigeants communistes. En même temps, chaque fois que la souveraineté ou la sécurité soviétique sont en cause, la doctrine se plie aux exigences de l’Union soviétique en tant qu’État. Aux yeux des Soviétiques, des tensions internationales existent inévitablement entre des États dotés de structures sociales différentes et, par conséquent, les intérêts prédominants de l'Union soviétique en tant qu'État peuvent être invoqués à tout moment. Les théoriciens soviétiques tiennent compte à la fois de la réalité du système existant des États et de ce qu’ils considèrent comme le caractère et le rôle distinctifs des pays socialistés.
{La doctrine Brejnev}.
La doctrine Brejnev trouve son origine dans les fondamentaux de la politique soviétique menée par Khrouchtchev puis Brejnev depuis 1953 à l'égard des États satellites d'Europe de l'Est et plus généralement dans les principes de la coexistence pacifique définis à l'origine par Khrouchtchev puis repris par Brejnev dans sa politique de détente avec les États-Unis et l'Europe occidentale. Sa formulation précise est directement liée aux évènements de 1968 en Tchécoslovaquie[4].
Précédents : Pologne et Hongrie en 1956
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Les dirigeants soviétiques se sentent obligés de réagir aux évènements de 1956 en Pologne et surtout en Hongrie qui menacent le statu quo politique et stratégique en Europe orientale. Les Soviétiques posent alors des limites claires aux velléités d'autonomie des « partis frères » d'Europe de l'Est, qui préfigurent les termes de la future doctrine Brejnev : « Le Parti communiste d'URSS considère qu’il reste le « parti dirigeant » parmi toutes les organisations communistes du monde. Chaque parti communiste est jugé à la lumière des relations plus ou moins intimes qu’il entretient avec le PCUS », et « la défense des acquis socialistes de la Hongrie démocratique populaire est aujourd'hui l'obligation principale et sacrée des ouvriers, des paysans et des intellectuels, de tous les travailleurs hongrois »[5].
Printemps de Prague en 1968
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Les réformes menées au printemps de 1968 par le parti communiste tchécoslovaque lui-même créent de fortes tensions avec les Soviétiques et les États membres du pacte de Varsovie les plus conservateurs, notamment la RDA. Le 5 avril 1968, le PCT adopte un programme d'action intitulé La route tchécoslovaque vers le socialisme, dont le contenu, popularisé par l'expression « le socialisme à visage humain », dévie largement du modèle communiste soviétique. En mai, Brejnev condamne ce programme d'action « qui ouvre la possibilité de la restauration du capitalisme en Tchécoslovaquie »[6].
Les tensions continuent de monter. Une réunion est organisée à Bratislava le 3 août 1968 pour trouver un terrain d'entente. La Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la RDA, la Tchécoslovaquie et l'Union soviétique y participent. Un texte conjoint est publié à l'issue de cette réunion, connu sous le nom de « déclaration de Bratislava ». Dans un but d'apaisement, cette déclaration ne fait pas référence explicitement aux réformes en cours en Tchécoslovaquie et elle ne contient pas de menace d'intervention des États du Pacte de Varsovie. En revanche, elle réaffirme un ensemble de principes communs idéologiques et politiques qui constituent un avertissement implicite aux Tchèques. La déclaration stipule que c'est « le devoir international commun de tous les pays socialistes » de soutenir, renforcer et défendre les conquêtes du socialisme. Elle insiste sur le rôle des Partis communistes dans ces termes[7] :
« Les partis frères (...) ont acquis la conviction que l'on ne peut aller de l'avant dans la voie du socialisme et du communisme qu'en (...) renforçant le rôle dirigeant de la classe ouvrière et de son avant-garde, les partis communistes.
Les partis frères opposent fermement et résolument leur solidarité inébranlable, leur vigilance très active à toutes les menées de l'impérialisme et de toutes les autres forces anticommunistes qui visent à affaiblir le rôle dirigeant de la classe ouvrière et des partis communistes. »
Les principes de communauté d'intérêt, d'unité du camp socialiste, de prééminence du Parti communiste et de fidélité au pacte de Varsovie que cette déclaration met en avant constituent les ingrédients de base de la doctrine Brejnev qui sera formulée après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Soviétiques et leurs alliés le 21 août 1968.
Pour justifier la légalité de son intervention militaire, Moscou invoque aussi ses traités bilatéraux avec les pays d'Europe de l'Est fondés sur « l'aspiration commune à défendre le socialisme et à assurer la sécurité collective des pays socialistes »[5].
La doctrine Brejnev n'a jamais été publiée dans un document officiel des instances dirigeantes d'Union soviétique. En revanche, elle est énoncée en deux occasions au cours de l'année 1968 : le 26 septembre dans un article de la Pravda, puis le 13 novembre dans un discours prononcé par Léonid Brejnev lors du 5e Congrès du Parti ouvrier unifié polonais (POUP).
Article de la Pravda du 26 septembre 1968
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La Pravda publie le 26 septembre 1968 un article intitulé La souveraineté et les obligations internationales des pays socialistes. Cet article, directement inspiré par les instances dirigeantes du PCUS n'est cependant pas signé par un responsable politique officiel. Il définit en termes explicites les limites de la souveraineté des États du bloc communiste et justifie le droit d'intervention des autres pays socialistes « frères » en cas de dérive d'un pays par rapport aux principes sur lesquels le bloc de l'Est est bâti.
La doctrine Brejnev est une doctrine politique soviétique définie en 1968 dans le contexte du Printemps de Prague qui limite la souveraineté des États satellites de l'URSS en Europe de l'Est.
Discours de Brejnev du 13 novembre 1968
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Lors du 5e Congrès du Parti ouvrier unifié polonais, Léonid Brejnev expose en détail sa doctrine qui limite la souveraineté et l'autonomie des États du bloc communiste, dès lors que les orientations prises par l'un d'entre eux constituent une menace pour les autres. Il dit notamment[9] :
« Le PCUS a toujours préconisé que chaque pays socialiste détermine les formes spécifiques de son développement sur la voie du socialisme en tenant compte de ses conditions nationales spécifiques.
Cependant, on sait, camarades, qu'il existe aussi des lois communes régissant la construction socialiste, dérogations qui pourraient conduire à déviation du socialisme en tant que tel. Et lorsque les forces internes et externes hostiles au socialisme cherchent à inverser le développement de tout pays socialiste vers la restauration de l'ordre capitaliste, lorsqu'émergent une menace pour la cause du socialisme dans ce pays et une menace pour la sécurité de la communauté socialiste dans son ensemble, alors cela n’est plus seulement un problème de la population de ce pays, mais également un problème commun qui concerne tous les États socialistes. »
Poursuivant son discours, Brejnev se réfère implicitement à l'intervention militaire en Tchécoslovaquie d'août 1968 en justifiant le recours à la force armée :
« Il va sans dire qu'une telle action consistant à apporter une aide militaire à un pays frère pour réduire la menace à l'ordre socialiste constitue une mesure extraordinaire imposée. elle ne peut être déclenchée que par des actions directes des ennemis du socialisme à l'intérieur du pays et au-delà de ses frontières, des actions des ennemis du socialisme à l'intérieur du pays et au-delà de ses frontières, des actions mettant en péril les intérêts communs du camp socialiste. »
Le point culminant de cette progression est atteint lors du discours prononcé le 7 décembre 1988 par M. Gorbatchev à l’Assemblée générale de l’ONU, dans lequel il annonce des réductions importantes des troupes soviétiques en Europe et affirme que « l'usage de la force ne peut plus constituer un instrument de la politique étrangère, (...) et que le principe du libre choix est (...) un principe universel qui ne devrait souffrir aucune exception ». Cette déclaration enterre définitivement la doctrine Brejnev[10].
À partir de mars 1964, le chef du Soviet suprême, Léonid Brejnev, commença à discuter de la destitution de Khrouchtchev avec ses collègues[263]. Si Brejnev avait envisagé de faire arrêter Khrouchtchev à son retour d'une visite en Scandinavie en juin, il préféra rassembler le soutien des membres du Comité central en se rappelant le rôle crucial qu'avait joué le Comité lors de la défaite du groupe anti-Parti[263]. Brejnev eut largement le temps de planifier son complot car Khrouchtchev fut absent de Moscou durant un total de cinq mois entre janvier et septembre 1964, le dernier voyage étant pour célébrer les 15 ans de la RDA[264].
Les conspirateurs, menés par Brejnev, Alexandre Chélépine et le président du KGB, Vladimir Semitchastny, frappèrent en octobre 1964 alors que Khrouchtchev était en vacances à Pitsounda en Abkhazie. Il semble qu'il y eut deux réunions, le 14 octobre, la première étant le præsidium du comité central, où se concentrèrent les attaques et la démission et une réunion qui entérina les décisions de la première, celle du plenum du comité central. Les transcriptions des réunions ne furent officiellement pas conservées mais des sources existent : un document officiel élaboré après la première réunion, resté top secret jusqu'en 1993, les notes de Vladimir Malin, chef du Département général du Comité central et le journal de Petro Chelest, ce manque de sources explique des incohérences chronologiques[265]. Le 12 octobre, Brejnev appela Khrouchtchev pour l'informer qu'une réunion spéciale du Præsidium était prévue pour le lendemain soi-disant au sujet de l'agriculture[266]. Même si Khrouchtchev soupçonnait un piège[267], il rejoignit Moscou où il fut attaqué par Brejnev et les autres membres du Præsidium pour ses politiques inefficaces.
Khrouchtchev opposa peu de résistance, fit un discours acceptant son état des faits, sa démission, souhaite la réussite au parti et, selon Chelest, pleurait[265]. Durant la nuit, il appela son ami et collègue du Præsidium, Anastas Mikoyan, pour lui dire : « Je suis vieux et fatigué. Laissons-les faire face à eux-mêmes. J'ai fait le principal. Quelqu'un aurait-il pu rêver de pouvoir dire à Staline qu'il ne nous convenait plus et lui proposer de prendre sa retraite ? Pas même une tache humide ne serait restée là où nous nous serions tenus. Aujourd'hui tout est différent. La peur a disparu et nous pouvons parler d'égal à égal. C'est ma contribution. Je ne me battrai pas »[269].
Le 14 octobre 1964, le Præsidium et le Comité central votèrent tous deux pour accepter le départ « volontaire » de Khrouchtchev de ses fonctions. Brejnev devint premier secrétaire (par la suite secrétaire général) et Alexis Kossyguine succéda à Khrouchtchev en tant que Premier ministre[270]. Pour plusieurs médias et politiques occidentaux, qui ont été surpris par la nouvelle, le prétexte de la démission volontaire est suspect : la plupart d'entre eux y voient un limogeage.
Contrairement à Beria, qui fut assassiné en 1953 lors de la lutte pour la succession de Staline, les putschistes laissent la vie sauve à Khrouchtchev, ce qui indique un signe politique fort de la part de Brejnev, soit[pas clair] qu'ils sont ouverts au dialogue et que les crimes staliniens sont révolus[274]. Néanmoins, il semble que l'élimination physique de Khrouchtchev fut très sérieusement envisagée par Semitchastny et Brejnev[275]. Cette attitude conciliante en apparence cache une stratégie d'effacer quasiment le dirigeant de la mémoire en le condamnant à un oubli immédiat[276].
C'est ce que confirme le discours de conclusion de Brejnev après la réunion du plenum : « Khrouchtchev a démystifié le culte de Staline après sa mort, et nous démystifions le culte de Khrouchtchev de son vivant. »[265].
Brejnev est sans doute l'un des hommes les plus décorés de l'Histoire[38]. Il affichait une quarantaine de décorations à son uniforme. Ce nombre dépasse les 120 en y incluant les décorations étrangères[38]. À sa mort, un inventaire des officiels de l'URSS comptabilise 114 distinctions, ce qui fut a posteriori interprété comme un signe de culte de la personnalité[39]. Son dernier portrait officiel massivement diffusé en tenue de maréchal affiche plusieurs de ses distinctions[40],[41],[42]. Il exigea d'avoir plusieurs copies des médailles de l'ordre de Lénine pour les changements de costumes. Les décorations sont auto-attribuées et le népotisme est assez visible[43]. Son culte des récompenses qu'il affiche souvent en public contraste avec ses successeurs, plus discrets alors[39]. Suivant la tradition, plusieurs toponymies, noms d'usines et noms de villes, dont Naberejnye Tchelny furent nommées d'après Brejnev, mais furent rebaptisés quelques années après sa mort[39].
En 1978, il se fit remettre l'ordre de la Victoire[38]. Cette décoration soviétique, créée en 1943 et qui ne fut plus attribuée après 1945, récompensait les chefs ayant dirigé de grandes opérations militaires lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais Brejnev pendant le conflit n'était que commissaire politique avec le grade de colonel, et ne dirigea aucune grande opération militaire. Sur la pression des vétérans de guerre, et après enquête historique sur les faits concernés, Mikhaïl Gorbatchev annula cette décoration en 1989[38],[43].
Brejnev est sans doute l'un des hommes les plus décorés de l'Histoire[38]. Il affichait une quarantaine de décorations à son uniforme. Ce nombre dépasse les 120 en y incluant les décorations étrangères[38]. À sa mort, un inventaire des officiels de l'URSS comptabilise 114 distinctions, ce qui fut a posteriori interprété comme un signe de culte de la personnalité[39]. Son dernier portrait officiel massivement diffusé en tenue de maréchal affiche plusieurs de ses distinctions[40],[41],[42]. Il exigea d'avoir plusieurs copies des médailles de l'ordre de Lénine pour les changements de costumes. Les décorations sont auto-attribuées et le népotisme est assez visible[43]. Son culte des récompenses qu'il affiche souvent en public contraste avec ses successeurs, plus discrets alors[39]. Suivant la tradition, plusieurs toponymies, noms d'usines et noms de villes, dont Naberejnye Tchelny furent nommées d'après Brejnev, mais furent rebaptisés quelques années après sa mort[39].
En 1978, il se fit remettre l'ordre de la Victoire[38]. Cette décoration soviétique, créée en 1943 et qui ne fut plus attribuée après 1945, récompensait les chefs ayant dirigé de grandes opérations militaires lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais Brejnev pendant le conflit n'était que commissaire politique avec le grade de colonel, et ne dirigea aucune grande opération militaire. Sur la pression des vétérans de guerre, et après enquête historique sur les faits concernés, Mikhaïl Gorbatchev annula cette décoration en 1989[38],[43].
Son autorité, d'abord partagée, s'affirma progressivement à la tête du Parti et de l'État, atteignant son apogée durant les années 1970, avant que la vieillesse et la maladie ne limitent progressivement son rôle politique au profit des membres de la nomenklatura.
Cette politique est inaugurée par la visite de Richard Nixon à Moscou en mai 1972, et la signature à cette occasion de l'accord SALT I de limitation des arsenaux nucléaires[18]. Au Vietnam, malgré le minage du port d'Haïphong le 8 mai 1972, à l'origine d'une certaine « froideur » dans l'accueil de Nixon à Moscou, l'URSS contribue à la signature des accords de Paris le 27 janvier 1973[19]. Le zénith de la détente est la signature de l'Acte final d'Helsinki en 1975 entre l'URSS et l'ensemble des États européens et nord-américains. Les Soviétiques voient un succès fondamental dans la reconnaissance par l'Ouest des frontières issues de la Seconde Guerre mondiale. L'Union soviétique accepte en contrepartie que les États participants respectent les Droits de l'homme et les libertés fondamentales, y compris de conscience et religieuses. Ces principes ne furent appliqués que quelque temps, mais les opposants internes aux régimes communistes ne cessèrent dès lors de s'en prévaloir à l'encontre du pouvoir, notamment les dissidents soviétiques, tels Andreï Sakharov, qui formèrent le Groupe Helsinki de Moscou. D'autre part, le problème de l'émigration des juifs soviétiques devient une source d'irritation croissante qui ne peut être aplanie lors de la rencontre entre Brejnev et le président Gerald Ford à Vladivostok en novembre 1974.
Cependant en novembre 1974 en matière de droits de l'homme, hors de la question juive, à l'occasion de la première rencontre Ford-Brejnev un pêcheur soviétique, Simas Kudirka, condamné quelques années plus tôt à 10 ans de détention dans les camps, pour avoir tenté en novembre 1970 de fuir sur un cargo américain, est libéré et remis avec sa femme, ses deux enfants et sa mère à la délégation des États-Unis[21]. Dans les mois qui suivent la signature début août 1975 de l'Acte final d'Helsinki, Brejnev effectue d'autres gestes d'apaisement. Il fait libérer plusieurs prisonniers politiques et laisse partir quelques dissidents. Dans le domaine de l'émigration, il fait diminuer le coût du visa de sortie, réduire les conditions exigées au départ et raccourcir la période d'attente pour les cas de deuxième demande. Il en résulte une légère augmentation du nombre de visas de sortie durant le premier semestre 1976[22]. Pour autant les refuzniks sont toujours persécutés[23]. Hors de l'Acte final d'Helsinki, le 18 décembre 1976, Léonid Brejnev et le général Pinochet échangent deux prisonniers politiques : le communiste chilien Luis Corvalan et le dissident soviétique Vladimir Boukovski.
Le dégel économique est-ouest n'en est pas moins plus rapide que le dégel politique, notamment entre les satellites soviétiques et l'Europe de l'Ouest, avec une augmentation des échanges commerciaux et des coopérations techniques, mais aussi avec l'Union soviétique. Parmi les exemples les plus emblématiques, la production sous licence d'automobiles Fiat 124 par le combinat Lada (modèle qui a lancé la marque soviétique) à partir de 1966, ou encore la production de sodas par Pepsi-Cola en URSS à partir de 1974.
Peu après la CSCE, le 21 août 1975, sur demande soviétique, le président Gerald Ford doit faire un geste économique et politique sur Cuba, membre du COMECON depuis 1972. Il lève partiellement le blocus qui pèse sur l'ile depuis février 1962. Tout en maintenant l'embargo des États-Unis sur l'île, il laisse à chaque pays membre de l'Organisation des États américains (OEA) (dont le Canada, signataire de l'Acte final d'Helsinki) le droit d'échanger et de commercer avec Cuba. Sur le plan culturel, en 1975 et 1976 les cinémas américain et soviétique coproduisent un film, l'Oiseau bleu. D'après Lilly Marcou, Brejnev « reste dans l'Histoire comme le responsable de l'intervention à Prague en août 1968 et à Kaboul en décembre 1979. Il fut manipulé par Gomulka et Ulbricht pour l'invasion de la Tchécoslovaquie, par Fidel Castro lors de l'aide accordée aux mouvements révolutionnaires en Amérique latine et en Afrique, et par les militaires soviétiques pour l'intervention en Afghanistan »[24].
Dans les années 1970, l'Union soviétique atteint l'apogée de son pouvoir politique et stratégique par rapport au rival américain, déstabilisé par la défaite finale au Vietnam et le scandale du Watergate. Les accords SALT I en 1972, puis SALT II en 1979 aboutissent à la parité nucléaire entre les deux Grands. En 1963, il avait suffi de deux à trois mois pour qu'en octobre 1963 le traité de Moscou signé début août sur l'interdiction des essais nucléaires dans l'espace soit ratifié. Les accords SALT 1 sont ratifiés par le Sénat américain à peu près quatre mois après leur signature (fin mai—début octobre 1972).
Mais en juin 1979 le même Sénat annonce que les accords SALT II ne seront probablement pas ratifiés : aux yeux des sénateurs, la détente profite davantage à l'URSS qu'aux États-Unis. Et six à sept mois plus tard au moment de l'intervention soviétique en Afghanistan — qui constitua la raison officielle de la renonciation de Carter — ils ne l'étaient toujours pas. L'administration Carter n'envoya jamais un de ses membres pour tenter de convaincre les sénateurs de la nécessité de faire honorer les engagements du président vis-à-vis de l'URSS à Vienne [25]. Au contraire bien avant le 27 décembre 1979, Jimmy Carter décida de durcir sa politique étrangère vis-à-vis de l'URSS et de ses alliés. Le 3 juillet 1979, il signa un finding (ordre exécutif) autorisant pour la première fois un soutien à la guérilla anticommuniste moudjahidine[26]. En 1998, le conseiller à la sécurité nationale de Carter, Zbigniew Brzezinski, laissa entendre dans une interview que cette opération avait été un piège pour provoquer Moscou à engager ses troupes sur le terrain[27]. Par ailleurs, quelques semaines plus tôt le 14 décembre 1979 fut prise la Double Décision de l'OTAN, début de la Crise des Euromissiles, et encore avant le 12 est annoncée par Jimmy Carter l'augmentation du budget militaire des États-Unis de 5 % pour cinq ans. En septembre 1979 l'Administration Carter dénonce la présence d'une brigade soviétique à Cuba qui en réalité s'y trouvait depuis la crise des missiles, au vu et au su de tous les successeurs du président Kennedy (à titre de garantie pour le respect de l'accord Kennedy-Khrouchtchev). Certes, sous la direction de l'amiral Sergueï Gorchkov, l'Union soviétique devient un pouvoir naval mondial pour la première fois, et par le truchement de Cuba intervient.
Mais cette puissance conduit notamment l'Union soviétique à un paradoxe dans cette région : en Angola, les militaires soviétiques, cubains et est-allemands protègent le régime marxiste allié d'Agostinho Neto puis de José Eduardo dos Santos, en sécurisant les puits de pétrole exploités par les compagnies occidentales, notamment Exxon. L'URSS subit malgré tout un échec cuisant au Proche-Orient : elle perd son allié égyptien après a mort de Nasser en septembre 1970. Son successeur Anouar-El-Sadate prend progressivement ses distances avec Brejnev et, à partir de 1974, choisit l'alliance avec les États-Unis, malgré la signature d'un traité militaire en 1971 et l'aide active de l'URSS pendant la guerre du Kippour à l'automne 1973. L'URSS est évincée des négociations qui aboutissent, à l'été 1978, à la signature des accords de Camp David entre l'Égypte et Israël sous l'égide des États-Unis. Malgré ce revers et sa diplomatie hasardeuse entre le bloc de l'Ouest et l'Est, l'année 1977 peut être considérée comme la dernière année de stabilisation réussie de l'URSS[28].
Cet équilibre est rompu en effet lors de la révolution de Saur en avril 1978 en Afghanistan qui marquera un tournant et affaiblira la Russie, son système soviétique ainsi que son armée en provoquant sa fin. La décision prise fin décembre 1979 d'intervenir en Afghanistan, où un régime communiste impopulaire avait de grandes difficultés à garder le pouvoir sera fatale à l'URSS dix ans plus tard en 1989. Elle arrêta brusquement la détente allant même jusqu'à un embargo par les États-Unis et la fourniture d'armements aux rebelles afghans. Les Jeux olympiques d'été à Moscou en 1980 sont éclipsés par un boycott massif lancé par les États-Unis, en raison de la guerre afghane. Une dramatisation de l'affaire s'ensuivit.
Cet équilibre est rompu en effet lors de la révolution de Saur en avril 1978 en Afghanistan qui marquera un tournant et affaiblira la Russie, son système soviétique ainsi que son armée en provoquant sa fin. La décision prise fin décembre 1979 d'intervenir en Afghanistan, où un régime communiste impopulaire avait de grandes difficultés à garder le pouvoir sera fatale à l'URSS dix ans plus tard en 1989. Elle arrêta brusquement la détente allant même jusqu'à un embargo par les États-Unis et la fourniture d'armements aux rebelles afghans. Les Jeux olympiques d'été à Moscou en 1980 sont éclipsés par un boycott massif lancé par les États-Unis, en raison de la guerre afghane. Une dramatisation de l'affaire s'ensuivit.
Brejnev dut également affronter la grave crise polonaise : en août 1980 la naissance du syndicat Solidarnosc qui donne le signe d'une décrédibilisation du système du parti communiste, force ouvrière unique d'avant-garde. En France, après l'arrivée de la gauche au pouvoir, le président François Mitterrand rompt le dialogue avec Moscou à cause de ses graves divergences sur l'Afghanistan et la crise des Euromissiles, tout en maintenant la coopération économique : signature en février 1982 du contrat sur le gazoduc euro-sibérien et fermeté face aux États-Unis après juin 1982, lorsque l'administration Reagan tente d'imposer un embargo sur les fournitures technologiques. Mais elle reprend les ventes de céréales interrompues à la fin de 1979 par l'administration Carter. Malgré ses échecs diplomatiques depuis 1978-1980, la Pologne imposa une forte répression.
L'URSS de la fin des années Brejnev, en qualité de pays marxiste, n'a pas non plus perdu sa crédibilité dans le tiers monde.
Avec l'élection de Ronald Reagan les années Brejnev 1981-1982 furent également un test pour la validité de l'accord Kennedy-Khrouchtchev issu de la crise des missiles de 1962 (pas d'armes offensives soviétiques à Cuba, pas d'attaque américaine contre l'île). L'équipe Reagan comme le montre le document de Santa-Fé conçu pendant l'année 1980, de multiples déclarations du président Reagan et du général Haig pendant l'année 1981, la création d'une radio libre José Marti destinée à dresser la population cubaine contre le pouvoir castriste, s'était engagée à le casser (invasion, bombardement, blocus militaire de l'île), mais ne passa jamais à l'acte, cet accord ayant été régulièrement rappelé par la partie soviétique, notamment dans la Pravda du 9 novembre 1981
{Santé et Mort}
La santé de Brejnev fut un sujet d'inquiétude et d'étude pour la Soviétologie. Depuis les années 1970, il souffrit d'athérosclérose, d'une dépendance aux somnifères et aurait subi plusieurs infarctus et AVC. En 1976, il aurait été en état de mort clinique et de sénilité, nécessitant une attention médicale constante. Le Kremlin imposa le secret mais plusieurs observateurs étrangers voyaient sa dégradation et indiquaient qu'il ne dirigeait pas le pays de facto[29],[30],[31].
En mars 1982, Brejnev fit une crise cardiaque, puis fut victime d'une chute un peu plus tard. Il mourut dans la nuit du 9 au 10 novembre 1982 à l'âge de 75 ans. Sa mort fut gardée secrète 24 heures par les dirigeants du Parti. Ses multiples mandats à la tête de l'URSS font de lui le deuxième dirigeant, par la durée, à avoir gouverné le pays.
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